Le Billet Vert #4 - Murfy: réparer et/ou reconditionner notre électroménager pour réduire notre empreinte carbone
Comment Murfy propose une nouvelle expérience client sur un marché qui avait très peu changé
Temps de lecture ⏰: 7 minutes
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57,4 millions de tonnes, c’est le poids total des déchets d’équipements électroniques et électriques (DEEE ou D3E) généré en 2021 dans le monde. C’est davantage que celui de la Muraille de Chine, plus lourde fabrication humaine de l’Histoire.
Aussi appelés les e-waste, ils représentent le segment de déchets le plus en croissance dans le monde. Parmi eux, les gros appareils électroménagers comptent pour plus de 50% de leur total au sein de l’Union Européenne (chiffres de 2020).
Ceci est dû à la hausse continue de la consommation dans ce domaine (+3 % par an): un(e) français(e) produit 21kg de D3E en une année. Un nombre bien supérieur à celui de la moyenne mondiale, soit 7,3 kilos.
Les D3E comprennent l’électroménager ET l’électronique. Les chiffres que je trouve séparent très rarement les deux donc il est parfois difficile de connaître la part exacte liée à l’électroménager uniquement.
La durée de garantie légale de l’électroménager est de 2 ans alors que la plupart des appareils ont une durée de vie de 10-12 ans. Autant dire que la majeure partie de l’existence de nos appareils ne sera pas couverte en cas de panne. On estime en effet que les dysfonctionnements commencent à apparaître au bout de 5-7ans. En d’autres termes, nous serons sans doute amenés à jeter nos appareils beaucoup plus tôt que nécessaire.
Pendant un moment nous pensions également que le recyclage était la solution miracle, mais en réalité il génère un coût environnemental significatif. En prenant l’exemple d’un lave-linge, le site indice réparabilité montre bien les étapes et ses insuffisances:
C’est pourquoi Murfy, créée en septembre 2017, propose une alternative efficace, cohérente d’un point de vue environnemental et social à la gestion de notre électroménager:
👉 plutôt que de le jeter, Murfy nous conseillent de le réparer.
👉 pour remplacer les pièces défectueuses, ils utilisent leurs propres pièces détachées 60% moins chères que les neuves.
👉 si vous n’avez plus le choix et que vous devez racheter une machine, ils vous proposent des produits reconditionnés 50% moins chers que le neuf.
En fin de compte, l’intégralité de la chaîne de valeur se retrouve dans leur offre de services.
L’opportunité d’investissement se fait par l’intermédiaire de la plateforme Lita.co sous forme d’obligations à taux fixe. Je reviendrai dessus plus en détail durant l’analyse.
Ce que vous allez apprendre dans cette analyse:
Note Globale: 5,29/10 (note impactée par le profil financièrement risqué et l’illiquidité de cet investissement). J’y ai investi 300€ en adéquation avec ma grille d’investissements.
Murfy: 11 millions d’euros de CA en à peine 5 ans
Murfy est dans une phase d’investissement massif: quels sont donc les risques?
Analyse du marché du e-waste électroménager: quelles évolutions?
Quel est l’impact de Murfy?
Détails de l’investissement
Résumé en 30 secondes montre en main
Murfy: 11 millions d’euros de CA en à peine 4 ans
Les 5 co-fondateurs sont partis du constat que sur les 28 millions d’appareils électroménagers qui tombaient en panne en France tous les ans:
👉 seuls 10% d’entre eux étaient réparés
👉 les 90% restants étaient donc jetés et renouvelés avec l’achat d’un équipement neuf. Or, la fabrication représente à elle-seule 80% de l’impact environnemental d’un produit sur l’ensemble de sa durée de vie.
Leur priorité initiale a donc été de:
se focaliser sur l’activité de réparations
proposer un service réactif et efficace adossé à une expérience utilisateur fluide et agréable
via une approche tech vis-à-vis du client pour rendre le parcours de prise de rdv particulièrement simple
Pour l’avoir testé, la différence avec un service SAV de Darty ou Boulanger est assez impressionnante. Dans les deux derniers cas, vous devez appeler un numéro (et patienter au fil) pour décrire votre problème, puis on vous fera un devis et organisera une prise de rdv. J’ai trouvé la démarche assez décourageante. En utilisant Murfy, j’ai reservé un créneau avec un prix fixé pour la semaine d’après en 2min maximum.
On dit souvent qu’une boite qui fonctionne bien, c’est une boite qui sait exécuter sa vision. Lors d’un entretien début 2019 alors que Murfy ne comptait que 15 salariés (contre 200-300 aujourd'hui), les fondateurs avaient déjà pour objectif de développer une activité de reconditionnement et d’accélérer leur expansion via une levée de fonds: ces 2 points ont été réalisés grâce à la création d’entrepôts dans plusieurs villes de France et une levée de 2 millions d’euros fin 2019 avant une autre levée de 8 millions d’euros en octobre 2020.
Voici en résumé à quoi ressemble la ligne de vie de Murfy (faut vraiment que je me trouve un graphiste..)
Et depuis, son Chiffre d’Affaires (CA) n’a fait que suivre une trajectoire exponentielle.
On peut donc admirer la capacité d’exécution de leur équipe dirigeante, qui reste sans doute l’une de leurs plus grandes forces.
Le CA est un indicateur d’activité économique mais n’est pas représentatif à lui tout seul de la santé financière d’une entreprise. Murfy étant en pleine expansion, les investissements en personnes et espaces ne leur permettent pas aujourd’hui de dégager des bénéfices.
Murfy est dans une phase d’investissements massif: quels sont donc les risques?
Risques: 3/10 (1/10 = très risqué et 10/10 peu risqué)
Les investissements à venir:
👉 déployer des ateliers de production dans d’autres villes de France (Strasbourg, Nice, Marseille, Montpellier, Toulouse, Bordeaux et Rennes)
👉 s’étendre à l’international: Espagne et Belgique ayant tous les deux un taux de recyclage du e-waste autour de 40% (un peu en dessous de la moyenne Européenne)
👉 mettre en place un système de franchises, principalement dans les zones à moins forte densité
Ces éléments impliquent donc:
👉 des coûts de recrutement significatifs
👉 de nouvelles dépenses marketing
Les risques associés:
1. Qui dit investissements dit fort besoin de liquidités pour financer la croissance, l’idée étant d’aller capter le potentiel de marché le plus vite possible.
Murfy dépend donc beaucoup du financement extérieur. Or, le marché a plutôt tendance à se contracter dans son ensemble. Il s’agit donc d’un investissement risqué vu le contexte mais le financement vient alimenter une croissance déjà démontrée. C’est la principale raison économique pour laquelle j’ai décidé d’investir.
Murfy estime qu’ils doivent atteindre un CA de 40m€ pour devenir bénéficiaires. Au rythme de croissance actuelle, cela signifie 2 ans environ. Compte tenu de leur burn rate (montants dépensés tous les mois) disponible dans les documents sur Lita.co, il leur faudra sans doute réaliser au moins une nouvelle levée d’ici 2026.
Si les conditions d’accès au financement venaient de nouveau à se resserrer, ils se verraient sans doute obligés de ralentir leur expansion et de restructurer leur activité.
2. Incertitudes (limitées) du succès de leurs investissements:
Le déploiement de nouveaux ateliers représente certes un coût mais le risque est bien connu puisque Murfy en dispose déjà de 5 en France.
Il existe une incertitude sur la réception de l’offre de Murfy dans des pays ayant une culture différente de celle de la France.
Pour les franchises, je ne vois pas de forts coûts associés et c’est une idée intelligente de déploiement sur des territoires où l’ouverture d’ateliers en propre serait moins rentable.
Analyse du marché du e-waste électroménager: quelles sont les prochaines évolutions ?
Tout d’abord, ce marché dispose d’un vrai potentiel puisque comme dit plus haut, 90% des 28 millions d’appareils en panne sont jetés tous les ans en France.
Or, Murfy a constaté que parmi les 45 machines cassées qu’ils recevaient quotidiennement dans leur centre de stockage de Bobigny, 40 d’entre elles étaient réparables.
Cela signifie qu’au total 80% de toutes les pannes annuelles pourraient être réglées grâce à la réparation! Il y a donc un potentiel énorme.
Mais alors, pourquoi ne faisons-nous pas plus souvent appel à la réparation?
👉 ce n’est pas un réflexe naturel chez la plupart d’entre nous, trop habitués à jeter
👉 ce n’est pas forcément intéressant économiquement: cela revient souvent plus cher qu’acheter du neuf.
C’est pourquoi la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) a été votée en 2020. Son objectif est de favoriser la réparation des appareils en tout genre, dont l’électroménager, grâce à une subvention d’État. Cette dernière est issue d’un fonds de réparation créé le 1er octobre 2022 et alimenté par les contributions des fabricants.
👉 Celle-ci devrait réduire l’écart économique entre la réparation et le neuf.
Enfin, l’effort de communication de Murfy autour de ces questions permet d’éveiller les consciences et de faire réaliser que la réparation et/ou le reconditionnement sont souvent préférables. Cela crée un cercle vertueux également d’un point de vue économique.
Quel est l’impact de Murfy ?
Volonté: 9/10 - Contribution: 9/10 - Mesure: 5/10
Écologique évidemment grâce à:
l’évitement d’achats d’équipements neufs: on estime qu’une tonne de produits électroménagers émet 2,4 tonnes de CO2.
Murfy vise les 80 000 réparations pour 2022.
👉 en faisant un petit calcul, j’ai trouvé que Murfy avait permis d’éviter environ 8 500 tonnes de CO2 cette année. Cela représente les émissions carbonnes annuelles de 850 Français.
en plus de la réduction carbone, cela permet d’éviter que des appareils envahissent des déchèteries ou finissent dans la nature. Cet aspect est plus difficile à quantifier mais Murfy contribue clairement à réduire ce type de pollution. D’après leur site, ils ont permis d’éviter plus de 2 tonnes de déchets.
Social:
Murfy a réalisé qu’il y avait un manque de techniciens pour satisfaire la demande croissante de leurs clients. Ils ont donc décidé de créer la Murfy Académie dans le but de former leurs propres réparateurs. 51 personnes l’ont déjà suivie et sont désormais embauchées en CDI.
De manière générale, Murfy ne recrute leurs techniciens qu’en CDI, ce qui témoigne d’une volonté d’offrir une protection sociale et économique à leurs salariés.
Ma seule critique (constructive évidemment) auprès de Murfy est qu’ils ne réalisent pas de rapport d’impact alors que cette notion fait partie du coeur de leur activité. D’où la note de 5/10 sur la mesure.
Détails et explications de l’investissement en obligations
Liquidité: 3/10 - Rentabilité: 7/10
Les obligations sont un produit de dette, c’est à dire qu’elles vous rémunèrent sous la forme d’intérêts payés périodiquement avec une date de remboursement fixée à l’avance.
Il s’agit ici d’obligations d’une société privée, ce qui signifie que la liquidité y est quasiment inexistante. La raison pour laquelle la note est de 3 est que la nature même des obligations fait qu’il y a une date à laquelle elles seront remboursées, ce qui garantit en soi une forme de liquidité.
7% de rendement me paraît être en ligne avec le marché obligataire de dette privée en ce moment, d’où la note de 7/10 sur la rentabilité.
Dans le cas de cet investissement, les détails sont les suivants:
Investissement via Lita.co
Montant minimum: 100€
Frais Lita.co: 3% du montant investi si < 5,000€
Durée de l’investissement: 3 ans
Taux d’intérêt annuel brut: 7%
Taux d’intérêt annuel net:
4,90% si l’investissement est réalisé en direct (déduction de 30% de flat tax)
5,80% si l’investissement est réalisé depuis votre PEA (17,2% de contributions sociales à prélever) - il se peut qu’il y ait des frais de gestion à déduire en plus
Priorité de remboursement en cas de faillite/défaut: après la dette bancaire
Résumé en 30 secondes montre en main
Murfy est spécialisée dans la réparation et le reconditionnement de l’électroménager
En 5 ans, elle est passée de 0 à 11 millions € de Chiffre d’Affaires (lequel double tous les ans)
Il y a près de 28 millions de pannes d’électroménager par an en France, dont 80% peuvent être réglées par la réparation
Murfy est en train de réaliser un plan d’investissements massif qui devrait causer des tensions sur sa rentabilité dans les 3 prochaines années
Le risque principal que je vois est l’accès au financement, dont ils sont très dépendants
La loi AGEC devrait avoir un impact positif significatif grâce à la prime d’État à la réparation
Impact écologique via l’évitement de 8 500tCO2 (selon mes calculs) en 2022 ET social par la formation de technicien(ne)s recruté(e)s en CDI
Investissement en obligations sur 3 ans avec un rendement net entre 4,90% (en direct) et 5,80% (depuis le PEA)
Pour aller plus loin:
Consommation responsable: il faut réinventer nos imaginaires collectifs. Article de mai dans Les Echos
Nous allons rater l’objectif des accords de Paris de limiter la hausse des températures de 1,5 degré. Article incroyablement bien fait dans The Economist (en anglais)
J’espère que vous aurez pris du plaisir à lire cette analyse et il ne me reste plus qu’à vous souhaiter un excellent week-end prolongé!
À très vite!
Franklin
Votre Newsletter est toujours claire, concise et malgré tout détaillée. Votre analyse est objective et donne du plaisir et un intérêt certain a la suivre. Merci de me faire découvrir ces sociétés aux objets si utiles et que je saurai contacter en temps voulu. Bravo...
Bonjour Franklin,
un grand merci pour ta newsletter et tes analyses approfondies !
Merci aussi d'avoir partagé tes critères d'analyse des projets. Je serai tres curieux d'en savoir plus. Dans ton portefeuille Google Sheet, on voit bien comment tu calcules le score de chaque projet. Ma question porte plutot sur le crowdfunding ; sur une plateforme donnée (lendopolis, enerfip...) les taux d'intéret des obligations peuvent varier de 3 a 7% environ. Plus le rendement est elevé, plus le risque est elevé. Ton systeme de score est il aussi adapté a ces projets crowdfunding / obligations ? Si non, au dela du taux, quels autres criteres a prendre en compte ? merci. Antoine